- Citation :
Quand j'étais petit, j'étais un Jedi,
Tellement nerveux que lorsqu'il pleuvait,
Souvent je m'électrocutais.
Pour arriver à ce que je suis maintenant, vous imaginez bien que je suis passé par pas mal d’étapes en vingt-quatre ans. Vous me direz, vingt-quatre ans c’est rien. Et pourtant j’ai vécu pas mal de choses qu’on n’a pas forcément vécus à mon âge. Ah ça oui, et je crois pas si bien dire…
Je suis né sur l’île de Mahora, dans le district de Fuyumi du Sud plus exactement. Ma famille n’était pas bien grande étant donné que j’étais et demeure toujours fils unique. Mes parents étaient des gens extraordinaires et à l’opposé l’un de l’autre. Il se dégageait d’eux une telle alchimie qu’on ne pouvait que croire qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. Akira Nihichimaru, mon père, était un homme de caractère, franc et énormément affectueux. Quelqu’un d’admirable, descendant d’une vieille famille de Mahora – d’où le fait que nous vivions dans un magnifique temple de Fuyumi du Sud. C’est en parti à lui que je dois mes techniques de base à l’épée. Quant à ma mère, Mikan Nihichimaru, c’était une femme indéniablement belle, la plus belle qu’il m’ait été donné de rencontrer. Douce, rêveuse et mystérieuse, elle respirait le calme et la fraîcheur. C’est d’elle que j’hérite la couleur de mes yeux.
Ainsi je suis né, Yasuki Nihichimaru, petit édéon de l’eau à la glace. J’ai obtenu mon catalyseur dès ma naissance : il s’agit d’un cristal de couleur bleu marin que je porte sur la poitrine. Je me souviens que quand j’étais petit, j’adorais le tripoter et me faisais régulièrement réprimander pour ça. À l’époque j’aimais déjà les jolies choses !
À l’âge de quatre ans, mon occupation préférée était comme tout gosse de cet âge découvrir des choses. Je m’amusais à demander des explications sur tel ou tel truc à mes parents, mon père avec son esprit cartésien et ma mère avec son imagination débordante.
« Papa, papa ! Pourquoi les nuages ils bougent dans le ciel ?
-C’est le vent qui souffle là haut qui les pousse. Ils sont composés de toutes toutes toutes petites gouttes d’eau, et ils sont si légers qu’ils se laissent porter par les vents créés par les mouvements de l’air qui monte et descend. Tu as compris, bonhomme ?
-Euhh… Je suis pas très très certain… »
Eh oui, mon père n’était pas un as pour parler aux bambins. C’était beaucoup plus simple avec ma mère.
« Dis maman, tu as vu les nuages dans le ciel ? Pourquoi ils bougent ?
-C’est parce qu’ils sont libres, mon ange. Ils vont et viennent comme ils le souhaitent, se sont les plus grands voyageurs de notre Planète. Regarde ! Tu vois, celui-ci, en forme de lapin ? Il revient juste d’un petit voyage et rentre chez lui en ramenant avec lui des carottes pour toute sa famille ! »
C’était la belle vie, je me la coulais douce dans le temple familial. J’étais petit, plein de ressources, inépuisablement hyperactif et trop imaginatif. Le matin, j’étais Indiana Jones et j’explorais un temple vieux d’il y a un millénaire, l’après-midi j’étais Goldorak et j’exterminais des Golgoths à l’aide de mon Fulguropoing, et le soir j’éliminais des partisans du côté obscur de la Force avec mon sabre laser… Je passais mes journées à ça : des aventures trépidantes et imaginaires dans lesquelles j’étais le héros. J’aimais aussi faire tourner en bourrique mes voisins, faisant les quatre cent coups à ces pauvres personnes qui n’avaient rien demandé !
Et vous vous en doutez bien, je n’étais pas seul dans mes péripéties. Je faisais parti d’une petite bande de copains qui vivaient tous dans le coin, une fille parce qu’il en faut bien une pour se mettre dans des situations galères et aller la sauver, un coéquipier impulsif et courageux, un autre réfléchi et observateur, l’un timide mais généreux. Et moi, la tête de linotte jamais vraiment sérieuse… Et pourtant, dès cet âge je me sentais obligé d’être au centre de tout. S’il fallait un capitaine, ça devait être moi ou alors je faisais ma crise. Si la jolie princesse devait avoir un amoureux, je devais être ce chanceux ou les autres tâtaient de mon poing. Bref, vous saisissez ?
Ma vie ne se limitait pas à ça. Forcément, en tant qu’édéon, je me devais de suivre un entraînement avec mon père. Moi, je maniais et je manie toujours une épée. Bon, je sais utiliser d’autres armes, mais c’est bien avec une épée que j’excelle au combat ! Ainsi, chaque jour je me rendais au dojo ou sur la lice de sept heures à neuf heures et de vingt heures à vingt-et-une heures… Oui, pas très chouettes les horaires, même ma mère n’aimait pas trop ça, mais mon père était très strict là-dessus. Alors j’y allais vêtu d’un kimono et équipé d’une épée en bois. Le soir, je rentrais couvert de bleus et épuisé. Mon père n’y allait pas de main morte, mais au moins j’apprenais et progressais à une vitesse prodigieuse ! J’étais fier de moi et de mes efforts, et je suis certain que mes parents aussi l’étaient.
Oui, vraiment, mes parents étaient formidables avec moi. Ils n’étaient jamais trop sévères et s’amusaient même de mes pitreries. Enfin pas toujours, maintenant que j’y pense… Il y a bien eut une fois où je me suis pris une belle rouste – et je l’avais bien méritée.
C’est parti d’un pari totalement stupide lancé par un des copains de la bande, Rui. On était en train de se disputer pour savoir qui lancerait l’offensive contre Dark Vador, et les autres contestaient mon autorité en tant que chef d’armée…
« De toute façon, Yasu c’est qu’un trouillard.
-Eh mais c’est pas vrai, ça ! Chuis pas une poule mouillée, c’est juste que je suis pas un kamikaze comme toi.
-Ah ouais ? Ben prouve-le, tiens ! T’es cap’ d’aller voler une statuette chez le vieux Yamagushi ? »
Le lancement du défi avait cédé la place à un silence électrique. Tout le monde savait que le vieux Yamagushi n’était pas commode du tout et ne supportait pas les enfants. Il vendait des statuettes et des amulettes dans son temple. Un frisson me parcourut l’échine quand j’imaginais le vieil homme fou de rage en se rendant compte qu’on avait usurpé une de ses précieuses statuettes… Mais d’un côté, je crevais d’envie de prouver à cet idiot de Rui que j’étais pas un poltron !
Je partis immédiatement dans la direction de chez Yamagushi, parce que je savais que plus je traînais, moins j’aurais le courage d’accomplir ma tâche… Muni de mon sabre laser – un tube en carton peint en rouge – j’arrivai au pied de l’escalier menant au temple, mes amis sur mes talons. Je leur fis signe de m’attendre sur place avant de me lancer dans l’ascension des marches en pierre.
Quand j’entrai dans la boutique du vieil homme, la première chose qui me frappa fut l’odeur entêtante de différents encens. J’adorais l’odeur de ces bâtonnets, mais là c’était trop. Je passai devant l’aquarium ou nageaient paisiblement quelques poissons, comme le voulait la tradition, et scrutant le fond de la boutique à la recherche de Yamagushi. Personne, la pièce était vide, hormis un grand plateau où fumaient des braises pour chauffer l’endroit. Je me dirigeai prestement vers l’étagère aux statuettes et en choisie une, celle que je trouvais la plus jolie. Une fois enfournée dans ma poche, je m’apprêtai à prendre la fuite quand en me retournant je tombai nez à nez avec le vieil Yamagushi…
Poussant un hurlement de terreur, je levai brusquement mon bras droit muni de mon sabre laser virtuel pour l’abattre sur ce que je prenais comme étant mon agresseur. Le pauvre vieillard fit un bond en arrière et renversa le plateau de braises sur un tas de papiers à origamis. Les feuilles multicolores s’embrasèrent aussitôt sous mes yeux horrifiés. Le vieil homme m’oublia aussitôt pour tenter d’apaiser les flammes, et moi je restait tétanisé au fond de sa boutique. Je repris mes esprits lorsque la fumée empestait toute la pièce et les langues de feu commençaient à chauffer mes mollets. J’attrapais Yamagushi qui essayait toujours d’apaiser les flammes voraces en vain et l’obligeai à sortir de sa boutique.
La première bouffée d’air fut un vrai délice comparé à l’air enfumé du temple ! Mais je n’eus pas vraiment le temps d’en profiter, le gérant de la boutique m’ayant attrapé et entraîné jusque chez moi…
Il est inutile de dire que j’étais terrorisé en songeant à la réaction de mes parents. Et mes craintes n’étaient pas mal fondées, puisque lorsqu’ils apprirent ma bêtise mon père me flanqua la plus belle rouste de ma vie et je fus contraint d’aider le vieil homme à réparer son temple jusqu’au bout. N’empêche que j’étais quand même fier de moi, en voyant la mine admiratrice de Rui lorsque je racontai mon aventure aux amis.
Voilà, je pense que vous avez un bon aperçut de mon enfance. Jeux, entraînements et bêtises. Voilà comment résumer les dix premières années de ma vie. Mais maintenant, je vais faire un petit bond en avant pour en arriver à mes onze ans…
- Citation :
At the end of the world or the last thing I see
You are never coming home, never coming home.
Could I ? Should I ?
And all the things that you never ever told me,
And all the smiles that are ever gonna haunt me.
À onze ans, on commence à s’intéresser aux filles, à autre chose que nos petits jeux. Et bien pas moi, pas à cet âge. J’adorais encore me mettre dans la peau de mes héros préférés, mais cette fois j’étais tout seul pour jouer. Ma bande avait grandi sans moi, m’abandonnant dans les méandres de l’enfance.
J’ai vraiment commencé à mûrir à l’approche de mes douze ans. Mais le tournant décisif fut à l’annonce d’une certaine nouvelle, qu’aucun gamin ne devrait avoir à apprendre. Une des choses qui hante encore mes cauchemars à l’heure actuelle…
C’était en juillet, et mon anniversaire arrivait à grands pas. J’attendais avec impatience mon cadeau, qui était ma première véritable épée – une épée, une vraie, pas en bois ! Je le savais parce que je n’avais pas résisté à la tentation de jeter un œil à la cachette du cadeau… Et depuis le jour où j’avais osé faire cela, j’attendais mes douze ans avec une faim évidente !
Le temps était mauvais, j’avais entamé une partie de jeu de go avec mon père et ma mère peignait quand un de nos voisins est arrivé chez nous, réclamant l’aide de mes parents.
« Nous avons besoin d’aide, avec la tempête le niveau de la mer a monté et nous devons évacuer les maisons sur la côte ! Des bras de plus nous seraient utiles… »
Mes parents n’avaient pas hésité. Pas un seul moment. Ils souhaitaient aider les gens de la côte, et allaient partir les rejoindre. Ils me quittèrent simplement, ma mère me disant de courir chez les voisins si j’avais peur de l’orage et mon père répliquant que je n’étais plus un gamin. Ma mère déposa un baiser sur ma joue et mon père me frotta énergiquement le haut du crâne et ils s’en allèrent. Debout sur les planches extérieures de la maison, je les regardai partir avec le voisin d’un pas actif.
Après une quinzaine de minutes, la tempête s’était intensifié en violence. Dehors, les arbres se couchaient presque et la maison craquait et tremblait de toutes parts. Assit à table, je dessinais un portrait de moi et mes parents pour le leur offrir à leur retour, jetant parfois des regards au tableau inachevé de ma mère en espérant faire aussi bien. Le soir, le vent et la pluie n’avaient pas cessé et mes parents n’étaient toujours pas rentrés. J’installai un futon dans l’entrée, pour être certain de les entendre quand ils rentreraient. Mais la première visite que j’eus ne fut pas celle de mes parents…
Non, ce fut le voisin qui était passé pour réclamer mes parents. Celui-ci était dégoulinant d’eau et lorsque je le fis entrais, des gouttelettes vinrent s’écraser sur le parquet ciré et foncer le bois. Il n’arrêtait pas de me jeter des regards étranges mais ne disait toujours rien. Alors je craquai :
« Qu’est-ce qu’il y a ? Vous avez besoin de mon aide à moi aussi ? »
Il secoua la tête pour me faire comprendre que non, et son regard fuyant s’arrêta enfin sur moi. Il soupira et commença d’une voix tremblante :
« Y-Yasuki… J’ai qu-quelque chose d’important à te d-dire… Promet-moi de ne rien faire de st-stupide. »
Ma gorge se serra, je me doutais bien que quelque chose clochait. On ne demandait pas aux gens de promettre quelque chose avant d’avoir exposé toutes les parts du « contrat ».
« Je ne vous promets rien. Dites-moi ce qu’il y a. »
Il me jeta un dernier regard totalement pitoyable et énonça d’une traite :
« Yasuki, tes parents ont été emportés par le courant. On ne les a pas encore retrouvés. Mais il y a encore de l’espoir ! »
Je pense qu’il pensait bien faire en me laissant un peu d’espoir. Mais en fait, c’est bien pire que tout de penser, d’espérer revoir un jour ses parents alors qu’ils ne reviendront jamais… En tout cas, je crus ce pauvre homme lorsqu’il disait qu’il y avait de l’espoir. La nouvelle m’avait indéniablement ébranlée. Les larmes me montèrent aux yeux lorsque je songeai que je les avais peut-être vu pour la dernière fois de ma vie quelques heures plus tôt. Oui, ce « peut-être » qui me faisait espérer me pourrissait de l’intérieur, me nourrissant de faux espoirs.
Je passai les deux jours suivant à ratisser les plages de l’île à la recherche de mes parents avec l’aide des voisins, mais personne ne trouva pas le moindre signe d’eux. Ils étaient définitivement disparus. Morts. Décédés. Trépassés.
En rentrant chez moi après la dernière recherche, je craquai en voyant le tableau de ma mère et la partie de jeu de go de mon père condamnés à ne jamais être achevés. Je passai la nuit allongé sur le sol, pleurant toutes les larmes de mon corps jusqu’à ce que quelqu’un vienne me chercher au petit matin, me demandant de rassembler mes affaires. Ce que je fis, enfournant dans un sac mes vêtements, des souvenirs de mes parents et les choses chères à mes yeux, ainsi que l’épée que j’aurais du avoir pour mon anniversaire.
C’est là qu’on m’emmena pour la première fois à la pension de l’île. On m’expliqua aussi que le temple familial allait être hypothéqué puis revendu, et que je toucherai une part de l’argent de la vente… Au départ, je maudis l’endroit où j’étais accueilli, souhaitant mourir ou revenir en arrière et empêcher mes parents de partir sur la côte… Je ne montrais ma détresse à personne, préférant être souriant et rieur à tous bouts de champs.
Je ne me fis pas de véritables amis à cette époque là, pourtant j’étais aimé de tous. Mais moi, je ne les aimais pas vraiment, ils étaient plutôt là pour me rappeler que la vie continuait pour les autres, qu’il fallait que je tourne la page. Ce que je ne faisais pas. Et au bout d’un moment, je finis par craquer. Toujours sous mon masque, je commençai à expulser toute mon aversion par des bêtises en faisant passer le tout pour des gamineries dans le but de faire rire mon entourage. Mais en réalité, je le faisais vraiment pour me soulager. Je faillis plusieurs fois de me faire expulser, et je ne sais pas trop ce qui a empêché la direction de le faire à cette époque. Je réussis à faire exploser les toilettes du premier étage, à verser des colorants dans tous les flacons de shampoing pour teindre les cheveux des pensionnaires en cyan ou en fuchsia, à accrocher au porte-manteau mon professeur de japonais, et j’en passe.
Mais au bout d’un moment, ça ne me suffisait plus et j’étais vraiment au bord du gouffre. À seize ans, tout le monde dans la pension me connaissait moi et mes âneries. Mais surtout, je saturais et n’arrivais plus à compenser avec mes conneries. Je m’apprêtais d’ailleurs à en faire une nouvelle, soit faire éclater un feu d’artifice dans le hall de la pension quand je rencontrais la fille qui allait tout changer.
- Citation :
Fate fell short this time
Your smile fades in the summer
Place your hand in mine
I’ll leave when I wanna.
À ce moment, je venais juste de me teindre les cheveux pour la première fois. Ils n’étaient pas aussi longs que maintenant mais ils m’arrivaient presque aux épaules. Alors que tout le monde était en cours, je séchais une fois de plus pour pouvoir mettre en place un de mes coups tordus. C’était simple : faire péter toute une ribambelle de feux d’artifices dans le hall de la pension.
Je m’employais à dérouler le fil conducteur relié au détonateur jusqu’à mon point d’observation quand une voix féminine qui n’aurait pas du être là m’interpella :
« Qu’est-ce que tu fabriques, Nihichimaru ? Y’en a marre de tes tours à la con ! »
J’arrêtais immédiatement ma tâche, plantant mon regard dans celui de la personne qui me cherchait des noises. C’était juste une gamine au regard farouche et aux longs cheveux châtains, une pimbêche, m’étais-je dit. Les poings serrés, elle s’avança d’un pas décidé jusqu’à mes fusées déposées au milieu de la pièce et elle arracha tous leurs fils. Je me redressais brusquement, furieux qu’elle ait saccagé mon équipement :
« MAIS QU’EST-CE QUE TU FOUS ? QUI T’A PERMIS DE FAIRE ÇA ?!
-Et toi, qui te permet de faire exploser des fusées dans l’établissement ? Et de faire toutes tes âneries ? »
Piqué au vif, je me précipitai sur elle pour lui attraper le bras. Mais avant même que je puisse dire quelque chose, sa main fendit l’air et s’abattit dans un claquement sec contre ma joue. Sonné, je la regardais d’un air surpris. C’était bien la première personne à oser lever la main sur moi mis à part mon père il y avait des années de cela ! Son regard brillait de colère et sa voix était implacable :
« Si tu ranges tout ce bordel et que tu arrêtes tes trucs d’abruti, je te dénoncerai pas pour cette fois là. »
Sincèrement, je m’en fichais royalement d’être dénoncé et puni une fois de plus. Mais quelque chose chez cette fille m’intriguait, et je lui obéis. Elle m’aida même à transporter les pétards jusqu’aux poubelles, et lorsque nos mains s’effleurèrent mon cœur se serra dans ma poitrine. C’est là que je compris. Vous allez me trouver idiot, mais les hormones m’aidant probablement, j’avais eu le coup de foudre pour cette fille qui m’avait giflé et dont je ne connaissais même pas le nom. Et pourtant c’était un fait : j’étais amoureux d’elle.
À partir de ce jour, j’arrêtai mes insanités. Je me morfondais de moins en moins, riait véritablement et commençait à m’attacher aux gens. J’essayais de séduire cette fille dont mon cœur s’était épris, et ce n’était pas une chose facile. Alors qu’il suffisait que je lâche un sourire pour qu’une fille normale tombe dans mes bras, elle ne se laissait pas faire et m’envoyer souvent balader. Son nom était Kimi, et il lui allait bien : elle était sans égale.
De l’amour à la haine, il n’y a qu’un pas. La réciproque est tout aussi vrai. Alors qu’à notre rencontre je l’avais prise pour une pimbêche et elle m’avait pris pour un crétin finit, le temps passant nous nous rapprochâmes considérablement. Jusqu’au jour où je pris sur moi-même et osa lui proposer un rendez-vous.
Ça faisait à peine un mois que je la connaissais, mais j’étais déjà fou d’elle. Halloween approchait, l’hiver aussi. Je fis ma demande de la plus maladroite des façons, mais j’ai l’excuse de la première fois… Ok, ce n’est pas une excuse. Il était dans les alentours de midi et elle était à table dans le réfectoire avec ses amies. J’arrivai brusquement, d’un pas trahissant ma nervosité. En arrivant près d’elle, je lui demandai de m’accorder un moment toute seule. Ses amies me regardèrent d’un air suspicieux et s’en allèrent. D’une voix basse pour que personne autour de nous ne m’entende, je balbutiai :
« Kimi, est-ce que tu veux venir au cinéma avec moi demain à dix-huit heures ? »
Je la vis écarquiller les yeux d’un air surpris, et mon ventre se tordit d’angoisse.
« C’est un rendez-vous ?
-J’ai bien peur que oui.
-C’est d’accord. »
Trois petites phrases qui s’enchaînèrent ainsi, me laissant un doux sentiment de bonheur dans le ventre.
Le moment du rendez-vous arriva en un éclair. J’étais nerveux comme jamais, me demandant sans cesse si ma coupe de cheveux lui plairait – alors qu’elle était comme tout les autres jours. Lorsque je la vis arriver en petite robe d’été et les cheveux soigneusement attachés, je fus heureux de voir qu’elle aussi avait fait un effort sur sa tenue vestimentaire pour l’occasion.
La soirée s’écoula paisiblement, et j’étais heureux comme jamais. Après être sortis du cinéma, nous nous rendîmes dans un petit restaurant pas très cher. La tension que je ressentais au début de la soirée s’était envolée, et je riais gaiement. La nuit était fraîche, et je voyais bien que Kimi grelottait dans sa robe légère. Sur le chemin de retour, elle se collait à moi pour happer un peu plus de chaleur. J’étais aux anges !
Et je n’en avais pas finit avec les surprises. Alors que nous arrivions devant la pension, elle m’attrapa par la manche et me tira pour me faire arrêter.
Je la regardai d’un air étonné, ma nervosité revenant au grand galop. Elle s’approcha de moi, son corps maintenant collé contre le mien. Debout sur la pointe des pieds, elle posa doucement ses lèvres sur les miennes pour s’en décoller tout aussi vite. Totalement étourdi, je fixais son visage d’ange aux joues légèrement rosées alors qu’elle m’adressait un sourire heureux.
Nous nous retrouvâmes souvent à partir de ce jour, toujours dans le secret et l’intimité. Je ne m’étais jamais senti aussi bien depuis longtemps, et ma vie avait retrouvé tout son sens. Pour une raison quelconque, Kimi ne souhaitait pas que notre relation soit connue de tous.
Ça faisait un peu moins de deux mois qu’on sortait ensemble, et j’avais rendez-vous avec elle dans un petit café en début d’après-midi. Lorsque je la vie arriver je compris tout de suite qu’il y avait quelque chose de différent par rapport à d’habitude. J’ai jamais vraiment cru à l’intuition et tout ça, mais sur ce coup je dois avouer que je ne sais pas comment j’ai su qu’il allait se passer quelque chose. Ou plus précisément qu’on allait m’annoncer quelque chose.
Buvant un café latte sans grand enthousiasme, je jetais des regards inquiets à Kimi. Son visage ne me laissait aucun doute : il y avait anguille sous roche. Mais moi, pauvre imbécile que j’étais, je n’avais pas osé lui demander ce qui n’allait pas. J’étais tendu comme un arc, et je fis un bond sur ma chaise lorsqu’elle posa brusquement son verre de lait sur la table.
« Yasu. Tu vas être papa. »
Ouais. Y’a plus délicat comme annonce, c’est clair. Et moi, sur le coup, je tombais des nues. Papa. Papa. Papa ? A SEIZE PUTAIN D’ANNÉES DE VIE ? Comment j’étais sensé réagir ? J’étais pas un salaud de première et j’aimais sincèrement Kimi, alors il était hors de question que je l’abandonne. Mais devenir papa. MAIS PAPAAAAAAAAA QUOOOOOOOOOOOOOOOOI ! UN PATER FAMILIAAAAAAAAAS, UN VRAAAAAAAAAI.
Non, vraiment, c’est pas le genre de nouvelle qu’on accueille à bras ouverts quand on est âgé de seize ans. Mais quand même, en plus d’être profondément choqué, j’étais content. Après tout, devenir géniteur fait parti des fonctions primaires de tout être vivant, non ? Bref. Pour en revenir aux faites, imaginez la tête que j’ai pu tirer à ce moment. De quoi rivaliser avec Vil Coyote lorsqu’il s’aperçoit qu’il fonce droit vers une falaise…
« P-p-papa ? C-c-c-comment ça ? »
Vous avez sûrement remarqué que lorsque quelqu’un apprend une nouvelle importante, la plupart du temps la personne nie avoir assimilé l’information… Et bien je n’échappe pas à la règle.
« Oui. Je suis enceinte. Le gynécologue est formel. »
Une fois la vague de surprise passée, je demandais d’une voix tremblotante :
« Et… Et qu’est-ce que tu vas faire ?
-Je garde le bébé, évidemment ! Même à l’état embryonnaire, ça reste un être humain. Avorter c’est commettre un crime ! »
Je déglutis péniblement, ne sachant toujours pas quelle réaction avoir. Heureux ? Paniqué ? Dégoûté ?
« Et toi, Yasu… Qu’est-ce que tu comptes faire ? »
Le tremblement dans sa voix trahissait son inquiétude flagrante. Elle avait beau rester droite et fière, elle n’était pas aussi dure qu’il n’y paraissait. Je me devais de la rassurer… Mais comment faire lorsqu’on est soi-même indécis ?
« Je te soutiendrai, Kimi… Parce que… Parce que je t’aime et… »
C’est en parlant que les choses s’éclaircirent. Oui, j’allais être père. C’était tout. Il n’y avait pas à se tortiller les méninges. J’allais être avec la femme que j’aimais, avoir un enfant, et par-dessus tout : être heureux.
« Et que j’élèverai cet enfant avec toi. »
C’est au printemps que survinrent les premiers problèmes. Nausées trop fréquentes, douleurs, grosse fatigue. Mais les médecins ne s’alarmaient pas plus que ça, alors nous non-plus. Pourtant, nous aurions du. Maintenant, ça me semble évident, mais à l’époque ça ne l’était pas du tout !
On était dans notre petite bulle de bonheur, ayant déjà choisi les prénoms de l’enfant : Hayato pour un garçon, et Miyu pour une fille. Tout un tiroir était déjà rempli de vêtements pour nouveaux nés tricotés par les parents de Miyu. Eux aussi ont eu un peu du mal à digérer la nouvelle au début, mais ils l’ont finalement bien pris.
Mais ça n’allait pas durer bien longtemps. Toutes les bonnes choses ont une fin… Quoique cette fin est beaucoup trop prématurée. La vie est parfois, souvent même, trop injuste.
C’était le 15 juillet. Une journée d’été comme les autres au réveil : chaleur écrasante, humidité étouffante : un été japonais. Il devait être dans les alentours de onze heures du matin, et j’étais encore en train de dormir (vacances obligent !) lorsque mon téléphone portable vibra. Je décrochai d’une main nerveuse, prêt à envoyer chier l’enfoiré qui avait osé me réveillé.
Déjà, c’était mal commencé de m’appeler par mon prénom entier. Mais bon, ayant reconnu la voix du père de Kimi, les efforts à faire n’étaient pas négligeables…
« Quoi ? répondis-je d’un ton brusque.
-Viens immédiatement à l’hôpital. Il y a un problème avec le bébé. »
Cette annonce eut le même effet qu’une douche froide sur moi. Me réveillant brusquement, je criai presque dans le combiné :
« Et Kimi ? Elle va bien ?
-Non. Viens. BIIIIIP. BIIIIIP. BIIIIIP. »
Quand j’y repense, je me dis que c’était un bel enfoiré de me planté comme ça au téléphone. Mais sur le coup j’étais trop choqué pour pouvoir contester sa façon de s’y prendre. Je ne pris même pas l’a peine de m’habiller. Je devais avoir l’air bien bête à courir avec juste un calbute et un vieux tee-shirt sur le dos me servant de pyjama, mais je m’en foutais pas mal tant que j’arrivais à temps à l’hôpital.
C’était sans compter sur la poisse qui me suivait depuis ma naissance.
Arrivé dans le hall de l’hôpital, les pieds abîmés à force d’avoir couru pieds nus sur le bitume et la respiration hachée, j’eus le temps de voir la mère de Kimi sortir précipitamment en sanglotant. Mauvais. C’était mauvais. Très mauvais. La regardant passer les portes en verre, je continuais de marcher sans regarder devant moi. Je percutai quelqu’un, et ce quelqu’un était le père de Kimi. Ses yeux étaient rougis et son teint blême. Je déglutis avec difficulté.
« Yasuki ? » demanda-t-il, comme s’il n’était pas certain de m’avoir reconnu.
« Ou-oui ? Kimi, comment va-t-elle ? Et le bébé ? »
L’homme me fixa d’un air abruti, et l’un des médecins qui l’accompagnait m’empoigna fermement l’épaule.
« Vous êtes ? » me demanda-t-il. Je répondis du tac au tac :
« Le père de l’enfant. »
L’homme en blouse blanche tressaillit et son visage s’assombri.
« Monsieur… Je crains que cela ne soit pas possible. »
Existe-t-il quelqu’un aillant un minimum de délicatesse dans ce bas monde ?
« L’enfant n’a pas survécu… Et la mère non-plus. »
Pour la deuxième fois dans ma vie, je me sentis plonger dans un trou noir sans fond. Après m’avoir enlever mes deux parents, voilà qu’on s’en prenait à la femme que j’aimais et mon enfant. Incapable d’accepter cela, je bredouillai :
« N-non… Ce n’est pas possible !
-Monsieur, je suis désolé… Nous avons tout fait pour-
-SILENCE ! »
Contrairement à ce qu’on peut penser, ce n’est pas moi qui aie hurlé de mot, mais le père de Kimi. Semblant avoir retrouvé subitement la vie, il m’attrapa brusquement par le bras et s’égosilla :
« C’EST TA FAUTE, SI MA PETITE KIMI EST MORTE ! SI TU NE L’AVAIS PAS RENDUE ENCEINTE, ELLE SERAIT ENCORE EN VIE ! ASSASSIN ! »
Cette accusation m’apparu comme une vérité. Oui, cet homme brisé avait raison : tout était de ma faute. MA faute. Alors que les médecins s’employaient à calmer le père furibond, j’en profitai pour m’échapper de cet endroit horrible. Il était midi, et à nouveau je me sentais vide. Mort. Inutile.
Je ne me souviens pas avec exactitude de ce que j’ai fais entre ma sortie de l’hôpital et mon entrée dans un bar, tard le soir. Errer dans les rues, probablement. Le fait est que je suis entré dans un bar où la fumée des cigarettes empestait l’air, et que je me suis assis au comptoir pour commander un verre de bourbon. Pourquoi du bourbon ? Je ne sais pas. Une envie de me liquider moi et mon argent dans de l’alcool pour riche, peut-être… Je me noyai dans ce liquide ambré, écoutant le son que la radio crachait… Une chanson. Triste, évidemment. Pyramid song, de Radiohead. Et je me laissai submerger par la langueur des accords de piano, la tristesse des paroles et l’enivrante odeur du bourbon.
Boire était une habitude. Lorsque j’étais sobre, la douleur et la culpabilité que je ressentais étaient insurmontables, alors je préférais envoyer valser mon esprit et ma santé en ingérant des litres d’alcool et pas que… Vous a-t-on déjà présenté des pilules d’ecstasy ? Non ? Franchement, quand on vous fout un paquet de jolies pilules colorées sous le nez, on a du mal à se rendre compte de la merde qu’elles représentent. On dirait des sucreries pour les gosses ! Hop, une pilule d’MDMA rose avec un joli smiley dessiné dessus. Ah ben oui, il est joli le smiley tiens ! On dirait presque qu’il va te dire : « Mangez-moi » comme dans Alice au Pays des Merveilles. Ah mais suis-je bête, ça existe déjà les pilules bleues avec écrit « Eat me » dessus. Non vraiment, c’est gerbant de savoir qu’on présenta ça sous cette forme juste pour appâter les clients…
Tout ça pour dire que je ne me foutais pas en l’air qu’avec de l’alcool. Les pétards, les piqûres d’LSD et les ingestions d’MDMA, ça y allait fort aussi. Sans parler des coups d’un soir… J’étais devenue une horrible poupée qui passait toujours les mêmes journées. Réveille-toi, gerbe, prend un verre de bourbon, une pilule, gicle la fille qui s’attarde dans ton pieu, va à un cours, sèche les deux suivants, avale la moitié d’un sandwich, fume un pétard, retourne en cours et profite pour dormir, va aux chiottes pour te piquer, retourne à ta place, fais le mur le soir, va en boîte, refait le plein, trouve une fille à emmener avec toi au lit et ainsi de suite. Jusqu’au jour fatidique ou tu te retrouves convoqué dans le bureau du principal. Où JE me retrouve convoqué !
« Yasuki Nihichimaru, vous êtes renvoyé. Je vous prie de faire vos bagages pour ce soir. »
Perdre le droit de dormir sous le toit qui m’avait hébergé durant des années ne me fit ni chaud ni froid tellement j’étais pété à ce moment là. En faisant mon lit, j’y ai trouvé des culottes qui s’y entassaient au fond, témoins de mes ébats. C’est une fois ma valise bouclée que je pris conscience que je n’avais plus d’endroit où dormir. Plus personne à qui parler. Et passant le portail de la pension, je me rendis compte que j’avais dix-sept ans depuis presque trois mois. Mouais, il était temps de s’en rendre compte.
- Citation :
I love rock and roll
So put another dime in the jukebox baby
I love rock and roll
So come on take some time and dance with me
Le début de ma « vie autonome » fut difficile. Je réussis tout de même à me dégoter un petit studio dont je partageais le loyer avec un colocataire que je ne voyais quasiment jamais. Ne travaillant pas, je me réveillais bien après qu’il soit parti travailler et à l’inverse, je rentrais de mes soirées de beuveries trop tard pour le voir réveillé. Bref, nos temps de vie étaient totalement désynchronisés…
Mes journées n’étaient pas bien différentes de celles que je passais avant, hormis le fait qu’il n’y avait personne pour me crier dessus et que j’étais obligé de faire chauffer au micro-onde des nouilles instantanées ou une part de pizza au moins une fois par jour. Mes repas de l’époque étaient tout, sauf équilibrés et sains pour la santé. Sans parler des « aliments » qui venaient s’y greffer en dehors de ces repas…
J’étais tel un automate ayant besoin pour vivre de beaucoup d’alcool et de LSD, d’un peu de pizza et d’une dizaine d’heures de sommeil dans la semaine. On est loin de besoins naturels d’un être humain normal, oui. N’empêche quand j’y repense, je n’ai pas honte. Cette période n’est pas à part dans ma vie, parce que si elle n’avait pas été là, peut-être ne serais-je pas devenu ce que je suis. Et la repousser ne mènerait à rien…
BREF ! J’approchais des dix-huit ans lorsque la litanie qu’était devenue ma vie commença à dévier. Après une journée normale, c’est à dire onze Lucky Strike, de la bière en quantité indéterminée, deux manzanas, trois tequilas et un rock and rye. Plus un malibu que je sirotais au moment des faits… J’étais donc assis, ou plutôt avachi, au comptoir d’un bar, à siroter mon rhum à la noix de coco. Il devait être dans les environs de minuit, mais la salle était encore bondée et bruyante.
Je buvais lentement le contenu de mon verre lorsque le goût bien connu de la bile envahit ma bouche. Retenant un haut le cœur, je quittai brusquement ma place et me précipitai aux toilettes d’un pas chancelant, renversant des chaises sur mon passage. J’eu juste le temps de m’agenouiller devant la cuvette sale avant de me mettre à dégobiller tripes et boyaux. Le vomi me brûlait la gorge et me retournait l’estomac. Des haut-parleurs diffusaient Nowhere fast, de The Smiths. À vrai dire, je n’ai jamais compris l’utilité de ce genre de diffuseurs de musiques dans des toilettes publics ! Mais à ce moment, j’avais l’impression d’entacher cette chanson, à dégueuler dans des toilettes dégueulasses tout en l’écoutant…
Une fois mes convulsions terminées, je me relevai et tirai la chasse d’eau en regardant d’un air dégoûté les traces de vomissures sur mon pantalon. En sortant de la cabine, je constatai sans émotion que je n’étais pas seul dans les toilettes. Sans faire attention à cette présence, je me dirigeai vers les lavabos et me rinçai la bouche et les mains. Dans le miroir face à moi, je pouvais observer l’autre personne qui s’approchait de moi.
« Besoin d’aide ? » me proposa-t-elle.
Je secouai la tête négativement et sortis de ma poche le paquet d’aspirine qui ne me quittait jamais. Prenant deux cachets, je les avalai avec un peu d’eau du robinet et me tournai vers l’inconnu, qui se trouvait être un gars un peu plus âgé que moi.
« Non, ça va. » dis-je d’une voix rauque. « C’tait juste un débordement. »
Ouais, c’était le cas de le dire… Je me sentais épuisé, comme toujours après ce genre de mésaventure, et une fine pellicule de transpiration recouvrait désagréablement ma peau. C’est alors que je remarquai que la musique avait changé, et que c’était Run run run de The who que je pouvais maintenant entendre. Un léger sourire sur les lèvres, adossé aux lavabos, je me mis à fredonner :
« Well baby, better take my advice,
A black cat crossed your path twice,
The moon came out next to the sun
Then you opened your umbrella in a room ! »
Adressant un sourire triste à l’inconnu, je me redressai en continuant à chanter pour m’en aller. À mi-chemin vers la porte, je fus pris d’un soudain vertige et glissa sur le sol en riant. Alors que j’étais hilare, le gars m’aida à me redresser et disant d’un rire jaune :
« Finalement je crois que t’auras bien besoin de mon aide. C’est quoi ton nom ?
-Yasuuuuuuuuuuu, éludais-je en riant.
-Ok Yasu. T’habites où ? »
Il y eut un petit moment de flottement pendant lequel je me demandai où j’habitais, lorsque la réponse m’apparue enfin.
« Bweuh à quinzeuh minutes d’là… Mais c’bon, ch’peux m’débrouiller chuis plus un bébé ! »
M’ignorant totalement, il me traîna en dehors du bar en me soutenant. Je lui indiquais la direction à prendre et lui m’aidait à me déplacer. Arrivés à mon appartement, je grognais :
« Aweuhh merci, euhhh… C’quoi ton nom d’jà ?
-Mugetsu » répondit le concerné avec un léger sourire.
Je fronçai les sourcils d’un air sceptique : c’était bien une marque de saké, ça ?list]
« Ah voui, Mugetsu… Bwah merci, m’sieur avec un nom d’saké. »[/list]
Sur le moment, je ne pensais pas du tout que la rencontre avec ce dénommé Mugestu représentait un important virage dans ma vie. Certes, les effets n’eurent pas effet tout de suite. Environ une semaine après ma mésaventure dans les toilettes, je faisais les courses à la supérette la plus proche de chez moi pour acheter de quoi manger : nouilles au crabe, nouilles au poulet, nouilles aux champignons, nouilles au poulpe, bref : des nouilles.
Alors que je faisais la queue à la caisse avec mon chariot remplit de nouilles instantanées, j’entendis quelqu’un m’apostropher :
Regardant derrière moi pour voir qui m’avait parlé, je tombai nez à nez avec ce gars qui m’avait ramené chez moi.
« Euh oui ? Euhhh… Saké, c’est bien ça ?
-Mugetsu ! »
Rouge de honte devant mon erreur, je tentai de me rattraper :
« Ah oui désolé, j’étais pas trop moi même quand on s’est présenté.
-J’ai vu ça. Tu tiens pas l’alcool, c’est ça ?
-Non, c’est plutôt que j’ai du mal à m’arrêter de boire. »
Un sourire mutin aux lèvres, il dit :
« Bah alors il te faut quelqu’un pour réguler tout ça, mon gars ! Ça te dit de venir boire un coup au même bar que l’autre soir avec moi et des potes ? On t’arrêtera avant que ça vire comme la semaine dernière. »
Surpris par cette soudaine proposition, j’hésitai quelques secondes avant d’accepter. Certes, je ne connaissais quasiment pas ce type, mais il m’avait bien aidé !
« Ok. J’te paierai, en remerciement pour l’autre fois.
-Mais non, c’est pas la peine. » rétorqua-t-il.
Et se fut le début de ma renaissance. Un re-contact avec la société qui me fit le plus grand bien : ce gars au nom bizarre devînt bien vite mon meilleur ami et sa présence me faisait oublier mes malheurs.
Ça devait faire trois mois que je connaissais Mugetsu, alias Saké, lorsqu’il me proposa d’entrer dans son groupe de musique. Ça faisait aussi deux mois que je n’avais plus touché à ma drogue. On était comme bien souvent assis au comptoir d’une boîte de nuit, à boire quelques verres entre amis.
« Dis-moi Yasu, commença-t-il, tu t’intéresses à la musique ?
-Pourquoi ?
-Eh bien, tu te souviens de la première fois qu’on s’est vu… Tu t’étais mis à chanter après avoir dégueulé. Alors j’me demandais…
-Mouais. J’aime bien ça, c’est vrai. Ça me fait du bien de chanter, parfois… »
J’avais dis ça comme ça, ne m’attendant pas du tout à la tournure de la conversation.
« Alors, ça te dirait de te joindre à mon groupe de musique ? On cherche un chanteur, justement ! »
J’en tombai sur le cul. Moi, chanteur dans un groupe ? L’idée me paraissait saugrenue, mais…
Un large sourire se dessina sur le visage de mon ami et il s’exclama :
« Parfait ! Notre prochaine répèt’ se fait samedi prochain chez moi, à quinze heures. Viens, j’te présenterai aux autres ! »
Incapable de refuser cette offre tant il était excité, je m’engageai à venir à ce rendez-vous musical.
Lorsque cette fameuse répèt’ arriva, j’étais affreusement stressé, sans bien savoir pourquoi. Je m’avalai une canette de bière avant de partir chez Saké. Là-bas, je trouvai mon ami ainsi que qu’un autre garçon installant des instruments de musique dans le garage. Lorsqu’ils me virent arriver, ils arrêtèrent toutes leurs manœuvres pour venir me saluer.
« Ah Yasu, enfin ! s’exclama Saké. J’te présente Shiki, notre bassiste. Shiki, voilà Yasu dont jt’avais déjà parlé. »
Les présentations furent brèves. Saké me remit un tas de partitions en déclarant :
« Choisis une chanson que tu connais, on va voir si ça roule à nous trois ! »
Le stress m’avait quitté, l’ambiance était amicale et chaleureuse. La chanson que je choisis était Falling dawn, de Oasis. Saké à la guitare, Shiki à la basse et moi un micro dans les mains, nous nous mîmes à jouer la fameuse chanson… Dès les premiers accords de mes camarades, un frisson me parcourut l’échine et un sentiment d’excitation me serra les entrailles. Et alors que je commençais à chanter, les yeux rivés sur la partition, je me sentis bien. Étrangement bien, par rapport à d’habitude. Mon assurance augmenta et je me mis à chanter plus clairement, sans une once d’hésitation.
Une fois les derniers accords joués, mes deux camarades me regardèrent joyeusement et Saké s’exclama :
« Eh Yasu, vraiment c’était plus que pas mal pour une première ! Il nous reste plus qu’à trouver un batteur, et se sera top.
-Un batteur ? demandais-je.
-Ouais, j’avais proposé la place à un ami mais il pouvait pas. »
Nous nous quittèrent quelques morceaux plus tard, et je me sentais léger ! Je n’avais même pas envie de boire, et une seule chose me tourmentait : trouver un batteur.
Et cette tâche fut plus facile à faire que ce que je pensais. Tout ce que j’eus à faire, c’est poser les bonnes questions aux bonnes personnes. En l’occurrence, les bonnes personnes furent un groupe d’étudiantes de la pension, qui m’informèrent qu’un des pensionnaires jouait effectivement plutôt bien de la batterie. Je leur demandèrent alors de me le présenter sur le champ, et c’est ainsi que je me retrouvai devant le portail de la pension pour la première fois depuis mon départ…
Accompagné du groupe de filles qui étaient sensées me montrer l’élève que je cherchais, j’attendis devant le portail pendant un bon moment avant qu’une des filles ne s’exclame :
« Ah le voilà ! C’est lui, là-bas, avec des cheveux châtains. »
Je les remerciai chaleureusement et rejoignis ma cible d’un pas sur de moi.
« Mion Kawani ? m’assurai-je tout de même. »
L’autre me répondit par un hochement de tête méfiant, et j’enchaînai :
« C’est vrai que tu joues de la batterie ?
-Oui. »
Ravi, je m’exclamai :
« Ça te dit de te joindre à mon groupe ? On a absolument d’un batteur ! »
Je vis à sa tête qu’il n’avait pas trop l’air intéressé, et j’anticipai son refus :
« Aller, viens au moins une fois pour voir si ça te plait ! »
Et c’est comme ça que je traînais ce certain Mion dans notre cercle musical, qui était désormais au complet.
On pourrait penser que notre premier concert est gravé à jamais dans ma mémoire. Eh bien, ce n’est pas tout à fait vrai. On s’est produit pour la première fois dans un petit bar où on était habitué à aller, Saké et moi. Les gens présents étaient d’autres habitués, par conséquent ils nous connaissaient plus ou moins… Bref, je n’avais pas vraiment de raison pour, mais je stressais à mort.
Le genre de stress qui donne l’impression que tout fonctionne au ralentit, qui serre la gorge et le ventre, et pourtant qui donne l’irrépressible envie de monter sur scène sans attendre, montrer ce qu’on a dans le ventre et épater le public. Cette sensation était abominable et enivrante à la fois, et je me rappelle qu’avant d’entrer sur scène, je m’étais enfilé un paquet de pastilles à la menthe absolument immondes, juste par peur de ne plus avoir assez de voix pour chanter.
Quant à ce qu’il s’est passé sur scène… Je ne m’en rappelle plus vraiment. Je suppose que comme toujours, les spots de lumière m’ont ébloui et que la salle et le publique m’étaient invisibles, cachés derrière les rayons lumineux et désagréables… Quant à ma prestation et celles des autres, je n’en ai pas le moindre souvenir autre que le sentiment de réjouissance que je ressentais à ce moment précis et la quantité d’alcool que j’ai pu ingérer pour fêter tout ça…
Une fois le groupe lancé, on a vite commencé à composer nos propres chansons, Saké et moi. N’ayant rien à faire durant mes journées, j’apprenais toutes les bases de la musique et à jouer du piano et de la guitare. Mais là où j’excellais, et de loin, c’était bien évidemment au chant. Ainsi, nous nous retrouvions plusieurs fois par semaine pour écrire des chansons, nous montrions le résultat aux autres membres et ils y faisaient quelques modifications et ajouts en accord avec tout le monde.
Accaparé par la musique, j’en oubliais presque de boire. Alors que j’étais un véritable trou imbibé d’alcool, je ne buvais plus que durant les soirées et lorsque l’envie était trop forte, quelques cachets d’aspirine et une jolie fille m’aidaient à compenser le manque.
De fil en aiguille, le groupe connut un soudain succès. Pourquoi, comment : je ne sais pas. Probablement de bouche à oreille, grâce à des vidéos publiées sur internet. Le fait est qu’un soir, alors qu’on avait un concert comme bien souvent, la salle trop petite était bondée, et le dirlo nous annonça même après le concert que des gens n’avaient pas pu entrer.
Petit à petit, on se faisait connaître. Parfois même, des passants dans la rue me félicitaient ou à l’inverse, me huaient. On se produisait dans d’autres bars que celui où nous étions habituer d’aller, et de plus en plus de monde affluait. À dix-neuf ans, je retrouvais une fois de plus un sens à ma vie, cette fois totalement différent aux autres : la musique.
Cela faisait à peut près un an que le groupe était devenu un franc succès lorsque le premier couac survînt. Mion, qui était tout de même plus jeune que nous, dût quitter le groupe sous l’influence de sa mère. Nous nous retrouvions donc sans batterie, élément central de toute la pulsation et le rythme du groupe. Nous annulâmes tout les concerts qui étaient prévus, le groupe entrant en une période de pause de longueur indéterminée.
Au lieu de passer mes soirées sur scène à chanter, j’étais sur les pistes de danse des boîtes de nuits, ou en train de boire un peu et draguer des filles. C’est un soir comme ça que j’ai rencontré la personne qui est devenue maintenant ma meilleure amie.
Après une soirée peut-être un peu trop arrosée, quelque peu ivre et trop gai (et pas gay, je vous prie !), je rentrais chez moi avant les autres à cause d’un surplus de fatigue. Seul dans les rues sombres, je chantonnais joyeusement tout en marchant, les mains enfouies au fond de mes poches pour les garder à l’abri de la fraîcheur de la nuit. C’est au détour d’une ruelle que je la vis pour la première fois, éclairée par la lumière fade des néons roses d’un cinéma rétro… Je dois bien l’avouer : elle m’a tapé dans l’œil cette fois là ! Mais bon, lorsqu’un coureur de jupons bourré croise une jolie fille aux formes généreuses, ça ne fait jamais bon ménage…
C’est, ça aussi je l’avoue, avec des idées incongrues que je l’abordai. Arrivant dans son dos, je me glissai devant elle d’un geste rendu maladroit par l’alcool, un sourire charmeur aux lèvres.
« Bonsoir ma jolie, qu’est-ce que tu fais ici toute seule à une heure pareille ? »
J’allais vite regretter ma remarque audacieuse. Sans avoir le temps de comprendre quoique se soit, je me pris un coup brutal dans l’estomac qui me plia en deux et fut plaqué contre le mur de briques rouges du vieux cinéma. Sonné, je regardai la fille qui venait de me foutre une sacrée rouste et qui me tenait plaqué contre le mur. Avec une tête d’ahuri, je toussotai :
« Eh là, oh, du calme ! Je faisais que plaisanter… »
Alors qu’elle relâchait sa prise sur moi, je me pliais en deux en appuyant mes paumes sur mes genoux, tentant de reprendre calmement mon souffle et d’apaiser la douleur à mon estomac.
« Bon sang… C’est quoi cette réaction totalement disproportionnée ? »
Me redressant légèrement, je constatai que j’étais de nouveau seul dans la rue et que la fille s’était enfuie.
Le lendemain, je racontai à Saké ma mésaventure et il ne se garda pas de se moquer de moi et de mes flirts incessants ; et une semaine après les faits, je n’y pensais déjà plus. Jusqu’à un soir, alors qu’un autre groupe jouait dans un petit bar calme et tranquille et que j’étais parti sur place pour les voir, où je la revis. Seule à une table, elle semblait écouter la musique pop-rock qui donnait une ambiance douce au bar. Quittant mes amis, je me dirigeai vers elle et me postai devant sa table avec un sourire malicieux.
« Est-ce que je peux t’adresser la parole sans risquer de m’en prendre une ? »
Toujours avec un sourire mutin pendu aux lèvres, je m’assis à sa table et dit d’un ton toujours aussi taquin mais néanmoins sincère :
« Tu réagis toujours comme ça, quand quelqu’un te parle, ou je suis si moche que je t’en ai foutu les jetons ?
-Désolée, j’ai peut-être agis un peu trop violemment, c’est vrai. Mais fallait pas m’aborder comme ça, aussi ! »
Certes oui, elle avait raison. Mais moi, j’avais l’excuse de l’abus d’alcool après une soirée. J’éclatai de rire avant de dire :
« D’accord, je capitule, c’est moi qui suis en tord, avec ma tête de goujat ! »
Sans plus rien dire, je l’observais écouter la musique. Je ne m’étais pas trompé la fois dernière : elle était vraiment belle, avec ses sombres cheveux d’ébène. Mais quelque chose, un je ne sais quoi dans son regard ou dans son attitude m’empêchait de la draguer comme je le faisais d’habitude. Sans trop de gêne, je lui demandai sur un ton beaucoup plus sérieux :
« Dis-moi… Est-ce que quelque chose t’est arrivé, qui justifie ton attitude l’autre jour ? Quelque chose de… Mal, je veux dire. Ça me perturbe… »
Je ne sais pas trop ce qui m’a poussé à demander cela à ce moment, un pressentiment inexplicable. Mais le fait est que je n’avais pas tord. Maintenant je sais ce qui est arrivé à Iku, et à chaque fois que j’y repense, j’ai des sales envies de meurtres envers l’enfoiré qui a osé la souiller… Au moment des faits, elle me jeta un regard surpris qui me fit comprendre la justesse de mes mots. En tout cas, je me rendis compte aussi de l’étrangeté de ma question, et je tentai de me rattraper :
« Oh non, laisse, je suis trop curieux et impoli… En plus je ne me suis même pas présenté ! Appelle-moi Yasu. Et toi c’est quoi ton p’tit nom ?
-Iku Samuro. » me répondit-elle simplement.
Je lui adressai un léger sourire.
« C’est joli, et ça te va bien ! »
Mon attention fut soudain détournée de la conversation pour revenir au groupe qui jouait à ce moment une reprise de Help ! des Beetles. Soudain captivé par la chanson, je murmurais doucement les paroles en même temps que le chanteur, les paupières mi-clauses. La chanson terminée, je rouvris les yeux au moment où Iku me demanda :
« Tu aimes la musique ? »
Amusé par cette question dont la réponse, pour moi qui me connaissais tout du moins, me semblait évidente, je répondis :
« Ouais, et pas qu’un peu ! Je suis chanteur dans un groupe, même. Et toi, t’aimes bien ça ?
-Oui, beaucoup. Je joue de quelques instruments… »
Soudain intéressé par la tournure de la conversation, je demandai :
« Tu ne jouerais pas de la batterie, par hasard ? Parce que notre batteur s’est fait la malle y’a pas longtemps, et sa place reste libre !
-Non désolée, je joue juste de la guitare et du piano. »
Pas déçu pour autant, je réfléchis à la vitesse grand V avant de m’exclamer avec excitation :
« Donc tu as au moins quelques bases en musique ! Ça te dirait pas d’essayer d’apprendre à jouer de la batterie et de nous rejoindre ? »
Je lus sur son visage un mélange de surprise, d’hésitation… et d’envie.
« Eh bien, ma fois, pourquoi pas ? » me répondit-elle finalement.
Bondissant sur mes pieds, je m’exclamai :
« Super ! Je vais tout arranger ! Donne-moi ton numéro de téléphone, comme ça je pourrais te tenir au courant. »
Je marquai un temps d’arrêt avant d’ajouter avec amusement :
« Oh et t’inquiètes, je t’harcèlerai pas, c’est promis ! »
Le lendemain, je téléphonai à Mion pour lui demander, ou plutôt le supplier, d’accepter d’apprendre à Iku à jouer de la batterie, et une semaine après, nous nous retrouvâmes tous les trois chez lui pour le premier cours d’Iku, et ainsi de suite chaque semaine à la même heure. Je dois dire qu’Iku fut formidable sur ce coup là : elle apprenait à une vitesse prodigieuse ! Et d’ailleurs, il n’y avait pas que cela qui progressait vite : assis sur chaise en tant que touriste, je voyais bien les regards que jetaient de plus en plus souvent Mion à mon amie… Amusé par son comportement candide par rapport à d’habitude, je finis par aller le voir un jour et lui demander :
« Dis donc, Mion, quand est-ce que tu vas aller voir Iku pour lui dire ce que tu ressens ? »
Je paierai des millions pour revivre ce moment et me repasser en boucle la tête qu’il a tirée à ce moment là ! Rien que d’y repenser, je suis mort de rire tout seul. Et la suite est tout aussi comique… Complètement paniqué à l’idée d’être découvert, il s’exclama :
« Qu-qu-quoi ?! Comment tu sais ça ?
-Aller quoi, tu as cru que je ne verrai pas comment tu la regardes ? Vraiment ça saute aux yeux que tu craques pour elle. »
Un sourire aux lèvres, je kidnappai son téléphone portable et commençai à composer le numéro d’Iku.
« Qu’est-ce que tu fiches, Yasu ! Rends-moi ça ! »
Ravi de ma plaisanterie, je cliquai sur le bouton du haut-parleur tout en esquivant les attaques de Mion. Lorsque la voix d’Iku répondit au bout du fil, il cessa toute attaque et se figea.
Je remis le téléphone entre les mains du garçon, qui fut bien obligé de le porter à son oreille.
« Allô, Iku ? Ce-c’est Mion, à l’appareil. »
Sans perdre une seconde, j’attrapai un stylo et une feuille sur le bureau du garçon et écrivis de mon écriture en pattes de mouches :
‘Propose lui RDV -> ce week-end’
Je lui jetai un regard encourageant et essayai de ne pas pouffer de rire en l’entendant bégayer :
« Mmh euh… Je voulais savoir… Ça te dit un rendez-vous ce week-end… Tous les deux ? »
Il était rouge de honte, et moi rouge à force de me retenir de rire…
« C’est d’accord » répondit le haut-parleur, en l’occurrence Iku.
Je ne pus retenir un cri victorieux sous le regard médusé du garçon aux cheveux châtains, et avant qu’il ne raccroche et ne m’en colle une, je m’enfuie de la maison, laissant mes deux amis au téléphone.